Vladimir Suteev
Présentation
En guise de fiche filmographique sur Vladimir Suteev, et en lien avec Le Postier de neige dont il est l'auteur, nous vous proposons un léger portrait soulignant les nombreux travaux qu'il partagea avec Leonid Amalrik, le réalisateur dudit Postier de neige. ''Vladimir Suteev & Leonid Amalrik, un parcours partagé'' Vladimir Suteev (1903-1993) ne dirigea pas Le Postier de neige en 1955, mais son scénario fut mis en scène par Leonid Amalrik (1905-1997) avec qui il avait fait ses débuts dans l'animation, cela une vingtaine d'années plus tôt sur plusieurs films. En effet, Vladimir Suteev coréalisa avec Lev Atamanov son premier film d'animation en 1931, au studio Mezhrapomfilm avec, parmi les artistes qui lui donnèrent forme, Leonid Amalrik et Ivan Ivanov-Vano. Ce court-métrage en noir intitulé Ulica Poperek (De l'autre côté de la rue) était composé – avec la sécurité routière pour message préventif – de quelques situations humoristiques développées sous la forme de courses poursuites dans un style d'animation assez proche des courts-métrages étasuniens mettant en vedette Felix le chat ou Betty Boop (style adopté notamment dans une amusante adaptation des aventures du baron de Münchhausen que Suteev anima avec Ivan Ivanov-Vano en 1929, également au sein du studio Mezhrapomfilm, structure qui sera englobée par le studio Soyuzmultfilm lors de la création de ce dernier). Ce premier film sur lequel oeuvrèrent Suteev et Amalrik ensemble était aussi l'un, si ce n'est le premier film d'animation soviétique sonore. Vladimir Suteev, qui avait fait ses tout premiers pas dans l'animation en 1925, ce comme animateur avec le fameux groupe concevant les bases de l'animation soviétique (avec notamment Nikolai Khodataev, frère de Olga Khodataeva), réalisa par la suite plusieurs films jusqu'à la fin des années 40. Dans les années qui suivront, il n'occupera quasiment plus ce poste car il se consacrera alors un plus à son oeuvre d'écrivain et d'illustrateur pour la jeunesse, tout en continuant néanmoins de signer la transcription scénaristique de certaines de ses créations littéraires à l'écran comme Le Postier de neige. Dès 1936, Vladimir Suteev retrouve Leonid Amalrik, mais cette fois-ci, ils sont tous les deux réalisateurs sur le même court-métrage intitulé Kolobok (La Galette) produit par Soyuzmultfilm, le studio venant d'ouvrir ses portes cette année-là. Sous une forme plus classique qui va alors prédominé, Suteev y relate l'histoire d'un conte russe ou plus largement slave faisant parti de ceux rassemblés par Alexandre Afanassiev dans l'un de ses nombreux volumes d'alors des Contes populaires russes (1873 pour celui-ci). On retrouve de nombreuses variantes de ce conte sériel en Europe, et notamment en France avec Roule galette (1950, écrit par Natha Caputo dont le père était russe), célèbre titre de la collection des « Albums du père Castor » qui reprenait fidèlement le conte transcrit par Afanassiev, à la différence de Vladimir Suteev et Leonid Amalrik qui offraient quelques originalités dans la balade de la galette, ainsi qu'une fin semblant inédite puisque la dite galette finit par retourner auprès du vieux couple parti à sa recherche. On notera que les fameux « Albums du père Castor » bénéficièrent, à leur création dans les années 30, de la vision et du talent de plusieurs artistes russes émigrés. Sitôt ce film terminé, Suteev et Amalrik collaborent encore ensemble en 1937 sur le court-métrage musical Shumnoe Plavanie (Un bruyant voyage), le premier le réalisant et le second occupant le poste de directeur artistique. Ils font de même l'année suivante sur Pochemu u Nosoroga Shkura v Skladkah adaptant dans la veine comique ''cartoonesque'' le conte de Rudyard Kipling Comment le Rhinocéros acquit sa peau, film où le public retrouvait le personnage du marin (on peut lui prêter une très légère accointance avec Popeye) précédemment animé et scénarisé sur le même ton par Suteev dans Otvazhnyj Moryak (Un brave marin, 1936), court-métrage adaptant Comment la Baleine acquit son gosier de Rudyard Kipling. De son côté, Leonid Amalrik réalisa ensuite trois films (Limpopo en 1939, Barmalej en 1941, et Pavlinij Hvost en 1946) mettant en scène le personnage du docteur Aïbolit d'après l'oeuvre publiée en 1929 de Korneï Tchoukovski (1882-1969) qui reprenait en fait librement l'univers du docteur Dolittle créé par Hugh Lofting en 1920, comme Alexeï Tolstoï le fit avec son Bouratino reprenant à sa manière le Pinocchio de Collodi. Ces trois films furent coréalisés avec Vladimir Polkovnikov comme les trois autres suivants dirigés par Amalrik : Seraya Sheyka en 1948 d'après un conte de Dimitri Mamin-Sibiryak (film qui obtiendra de nombreux prix), Krepysh en 1950 et Vysokaya Gorka (Au plus haut de la colline) en 1951, tous les trois, comme le 2ème et 3ème film sur le docteur Aïbolit, bénéficiant des somptueux travaux du directeur artistique Alexander Trussov, celui-ci participant alors en cette période à élever l'animation russe à un niveau de la représentation de la nature, maitrisant particulièrement son art avec le déploiement de la couleur sur le dernier film du docteur, mais surtout avec encore plus de poésie et d'une délicatesse certaine sur les trois suivants. Les travaux des décorateurs comme Irina Svetlitsa qui oeuvra sur L'Antilope d'Or ou Une Flamme scintille dans l'igloo, ainsi que ceux de K. Malyshev que l'on retrouve avec Alexander Trussov sur Le Postier de neige sont à ce titre particulièrement magnifique sur ces films saisissant l'essence des saisons où se mouvent des personnages animaliers finement dessinés et animés avec autant de finesse. A cet effet, les productions des années 50 du studio Soyuzmultfilm tendent à la perfection. Peu avant que de travailler encore avec lui sur Le Postier de neige en 1955, Leonid Amalrik retrouve une nouvelle fois Vladimir Suteev à l'écrit pour deux films : le moyen-métrage Volshebnyj j magazin (La boutique magique, coréalisé avec encore Vladimir Polkovnikov) et Strela uletaet v skazku où le charme de la nature passe à nouveau par Alexander Trussov et les artistes K. Malyshev pour le premier film et Irina Svetlitsa pour le second. Puis après le conte du Nouvel An du Postier de neige, Amalrik, Suteev, Trussov, ainsi que le technicien de la photographie et le compositeur qui lui donnèrent forme se retrouvent l'année suivante sur Korablik (Le petit bateau, 1956), autre petit bijou de beauté et d'amusement. Le duo se retrouvera encore sur quelques autres métrages (Raznye Kolesa en 1960, Dve Skazki en 1962, Pro Begemota, Kotoryj Boyalsya Privivok en 1966), jusqu'au dernier Terem-Teremok en 1971 et avec lequel Amalrik clôt sa carrière. Après la période Alexander Trussov sur les films de Leonid Amalrik, il est à noter que la direction artistique de ses réalisations sera confiée à partir de 1958 au duo Tatiana Sazonova et Nadezhda Privalova, excepté pour Terem-Teremok où Nadezhda Privalova partage ce poste avec Gely Arkadyev, l’esthétisme étant alors tournée plus ou moins vers une certaine naïveté des décors et une forme plus caricaturale des personnages. Parmi encore quelques autres scénarios qu'il signa, Vladimir Suteev écrivit Million v Meshke réalisé en 1956 par Babichenko, un très joli conte sur la cupidité qui se termine de manière assez similaire à L'Antilope d'Or réalisé deux ans plus tôt par Lev Atamanov, avec également un personnage désirant de richesse, plus qu'il n'en a besoin. Suteev écrira d'ailleurs pour Atamanov en 1963 pour Shutki, ainsi qu'en 1965 pour Pastushka i Trubochist, adaptation du conte « La Bergère et le ramoneur » d'Andersen. Outre encore plusieurs contes animaliers qui marquent son oeuvre (jusqu'à la fin de sa carrière) comme Gribok-Teremok dirigé en 1958 par Vladimir Polkovnikov (réalisateur qui dirigera encore quelques autres de ses scénarios), il adapta la même année le conte du Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault avec Petya i Krasnaya Shapochka réalisé par Boris Stepantsev et Yevgeny Raikovsky, court-métrage qui fut primé au Festival d'Annecy en 1960 dans la catégorie du meilleur film pour enfant. L'originalité de cette adaptation réside dans le déroulement de son action avec un jeune personnage prénommé Peter, celui-ci participant à l'histoire en s'y introduisant dans la projection même, la dite histoire se déroulant sur la toile-écran d'un cinéma dans laquelle va pénétrer comme par magie Peter qui va alors secourir et prendre la place du Petit Chaperon rouge. Pour les mêmes réalisateurs, Suteev écrivit une autre histoire, avec à nouveau un jeune héros prénommé Peter, ce dans le moyen-métrage Tol''ko ne Sejchas (1962), personnage qui voyage dans le temps et qui apparaît à l'écran en prise de vue réelle interprété par un jeune acteur. Vladimir Suteev aura ainsi adapté au cinéma nombre de ses oeuvres sur papier, et écrit quelques scénarios originaux, marquant autant l'univers du grand écran que celui de la littérature jeunesse pour laquelle il conçut de magnifiques albums.
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Fiche publiée le 10 septembre 2003 - Lue 4746 fois |