Synopsis
En Afrique, dans un petit village au cœur la brousse, entre traditions et danses sacrées, les hommes se préparent à partir à la chasse. Mais si leur rôle est important, celui des femmes l'est tout autant car c'est à elles qu'il revient durant leur absence de protéger et de nourrir les enfants.
Commentaires
Avant que de concevoir une œuvre d'une vingtaine de courts-métrages en stop-motion usant de diverses matières entre 1957 et 1973, Lidia Hornicka (1923-1973) débuta sa vie d'artiste comme actrice / marionnettiste et metteur en scène au théâtre Mlodego Widza (1949-55). Puis elle se dirigea vers le monde de l'animation en entrant au fameux studio SE-MA-FOR, assistant alors deux maîtres polonais de l'animation en stop-motion : Zenon Wasilewski (1903-1966) et Edward Sturlis (1927-1980, lui-même assistant de Wasilewski avant que de réaliser en 1954 ses premiers ouvrages en volume).
Le court-métrage Tabou (1959) est donc l'une de ses premières oeuvres où elle anime des figurines avec déjà un grand talent jouant sur l'esthétisme et une parfaite maitrise de la scénographie, le tout mâtiné d'humour et de délicatesse. Elle représente ainsi le monde de l'Afrique avec tendresse et en un imaginaire que ce continent insuffle aux esprits et artistes occidentaux, et ce sans être dans la caricature. Comme dans la plupart de ses ouvrages, elle dépose avec légèreté un petit message, en l'occurrence ici sur la position sociale des femmes.
Lidia Hornicka avait connu une première approche artistique de l'Afrique sept ans plus tôt, sur la scène du théâtre Mlodego Widza, alors qu'elle manipulait les marionnettes de la compagnie Gutekunst (avec aux décors et costumes Barbary Gutekunst) pour la pièce Sambo i lew (Sambo et le Lion, précédemment créée et mise en scène une première fois par Henryk Ryl en 1951 en son théâtre de marionnettes l'Arlekin, à Lódz).
Cette pièce s'inspirait très librement de l'univers du livre pour la jeunesse Sambo le petit noir / The Story of Little Black Sambo écrit en 1899 par Helen Bannermann (l'action se situant en Inde où elle vécue, Sambo y était de fait un jeune indien, et quoique ses dessins soient confus, ils représentent l'enfant comme un indien du sud ou un tamoul). Ce livre fut adapté en film d'animation par Ub Iwerks en 1935, l'artiste disneyen faisant de l'enfant une caricature africaine avec des perspectives racistes (en partie sous l'influence alors des récentes éditions états-uniennes avec de nouvelles illustrations allant dans ce sens).
Une autre adaptation de cette histoire transposée en Afrique fut réalisée peu avant Tabou, en 1956 et 1957, au Japon, et ce en deux courts-métrages animés en stop-motion par Tadahito Mochinaga (1919-1999), illustre artiste considéré comme le père de cette technique dans l'Archipel : Chibikuro Sambo no tora taiji (La chasse au tigre de Sambo le petit noir) et Chibikuro Sambo to futago no otôto (Sambo le petit noir et ses frères jumeaux). A cet égard, l'esthétisme des marionnettes africaines de Lidia Hornicka est assez proche de celui des figurines que Kihachirô Kawamoto (1925-2010, futur maître de cet art de la marionnette) conçu pour ces films de Mochinaga auprès duquel il œuvra de 1952 à 1958. Ainsi l'artiste polonaise et l'artiste japonais offraient chacun de leur côté une vision respectueuse des visages des personnages qu'ils créèrent, jouant à la fois sur l'aspect mignon des enfants et naturel pour les adultes, tout en donnant à la matière qui les composait une grande douceur. Ces oeuvres se partageaient également un ouvrage photographique d'un bel éclat.
A noter encore la présence à la direction artistique de l'illustrateur, peintre, sculpteur, et auteur et décorateur Waclaw Kondek (1917-1976) qui en ce film s'inspira avec la réalisatrice de l'art traditionnel africain, particulièrement pour la représentation des masques, des totems et statues ou des boucliers. Waclaw Kondek accompagnera sur quelques autres de ses métrages Lidia Hornicka comme parmi ceux-ci Le Calumet de la paix / Fajka pokoju (1963) et Les Mocassins enchantés / Cudowne mokasyny (1963, diffusé sur l'ORTF), ouvrages où elle s'inspirait du poème épique Le Chant de Hiawatha d'Henry Wadsworth Longfellow, ainsi que Le Wampum magique / Czarodziejskie wampum (1964) où l'action se déroulait comme les deux précédents en cet autre continent encore, celui des Amériques, avec pour personnages des Amérindiens d'Amérique du Nord et pour sujet de nouveau des motifs des légendes amérindiennes, et ce avec une nouvelle fois un traitement respectueux de l'humain.
Tabou fut diffusé sur la 1ère chaîne de la RTF (deux mois après la création de la seconde) dans la programmation jeunesse du jeudi, jour de repos des écoliers, L'Antenne est à nous étant friande de courts-métrages d'animation.
Pour l'heure, en 2018, un seul court-métrage de Lidia Hornicka a été édité en DVD aux éditions Malavida. Intitulé Le Petit corniaud (1969) et fait de papier découpé, il partage l'espace de la compilation de courts-métrages MinoPolska 2 : films d'animation polonais des sixties (2015) avec entre autres le premier film du célèbre Rexie (Rexy polyglotte) et La Souris et le Chaton, court qui fut également diffusé sur la RTF en 1962.