Synopsis
Xiao Huzi (Petit tigre) est un jeune garçon orphelin qui, pour subvenir à ses besoins, travaille pour un homme riche nommé Hu Shapi. Ce dernier, qui ne fait que se reposer quand il ne s'occupe pas de son commerce, n'a que peu d'égard pour ce jeune serviteur à qui il impose bien des travaux d'adulte, de jour comme de nuit, tout en le réprimandant le plus souvent, voire le maltraitant par pur plaisir.
Un jour, alors qu'il travaille encore pour son maître à extraire de l'eau d'un puits, Xiao fait une rencontre en la personne d'un bébé bien potelé et portant un sous-vêtement traditionnel rouge lui couvrant l'avant du corps : il découvre ce mystérieux « nouveau-né » près du puits alors que le poupon essayait, sans succès, de remonter le seau pour se désaltérer. Après que Xiao l'eut aidé dans son entreprise et qu'il pu ainsi boire, le bébé le salua et s'en retourna dans la forêt.
Hélas, le lendemain, alors qu'il venait de s'endormir de fatigue tout en poussant le levier de la meule à grains, Xiao se fit réprimander par son maître qui lui assena plusieurs coups de fouet et le brutalisa encore au point que l'enfant n'eut d'autre choix que de fuir.
Assis près du puits et pleurant quelque peu sur son triste sort, Xiao voit apparaitre devant lui le bébé à qui il a apporté son aide la veille. Celui-ci, pour apaiser le chagrin de l'enfant qu'il devine, l'emmène se promener dans la forêt et la montagne. Cette balade se déroule comme un petit voyage plein de fantaisie grâce au petit être quelque peu espiègle et possédant certains pouvoirs. Ainsi, le jeune enfant et le bébé se lient d'amitié, partageant joie et jeux.
A la fin de cette promenade, le bébé remarque les traces de coups portés sur le bras gauche de Xiao et en perçoit la source : Hu Shapi. Il donne alors au jeune garçon une belle racine de ginseng d'une grande valeur que celui-ci devra remettre à son maître pour qu'il le libère de ses travaux. Mais l'homme riche devine que celui qui a remit le ginseng à l'enfant doit être l'esprit même de cette plante, et il veut dès lors l'attraper pour l'offrir à l'Empereur. Aussi, il impose à Xiao de ne point s'en aller, mais le jeune enfant s'enfuit tout de même durant la nuit sans s'apercevoir que son maître, qui le surveillait, le suit...
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Commentaires
Réalisé durant l'âge d'or de l'animation du Studio d'Art de Shanghai (de 1957 à 1966), ce court-métrage (L'Esprit de Ginseng / Rénshên wáwá titré à l'international Ginseng Baby ou The Spirit of Ginseng) prend forme au travers de papiers découpés et articulés dit « découpages articulés », une des techniques usant de l'image par l'image très prisée par Wan Guchan (1900-1995) qui le réalise. Ce grand artiste, frère des pionniers de l'animation chinoise Wan Laiming, Wan Chaochen et Wan Dihuan, offre à voir avec Hu Jinqing (1936-2019) qui en dessine les formes tout en les animant (plus tard, il créera des chefs-d’œuvre en « lavis déchiré articulé »), un ouvrage aux belles et lumineuses couleurs.
Le ginseng est une plante médicinale qui possède de nombreuses vertus et qui est utilisée en Chine depuis plus de 2000 ans. Dans ce film d'animation, c'est son incarnation sous la forme d'un bébé (on dit que la forme de la racine ressemble à une forme humaine) qui prend vie et vient en aide au jeune enfant, celui-ci étant l'esclave d'un marchand lui imposant sa tyrannie. Le ginseng est ici synonyme de liberté retrouvée. Bien d'autres contes chinois utilise cette racine comme un élément important de leur récit.
Ce film d'animation adapte un conte de l'écrivain chinois Zhang Shijie (1932-1978). Instituteur à ses débuts, il a commencé sa carrière d'écrivain en 1951 et a publié de nombreux ouvrages de contes et de récits sur les traditions et le folklore chinois, mais aussi sur des sujets plus contemporains (aucune de ses oeuvres ne semblent avoir été traduites en France).
Une autre de ses histoires fut adaptée en un film d'animation réalisé également par Wan Guchan en 1959, L'Enfant pêcheur / Yu Tong (titré à l'international Fishing Child ou The Fishing Boy, voire The Fisher Boy), deux ans avant que le réalisateur ne conçoive L'Esprit de Ginseng. A cet égard, cette première adaptation d'un conte de Shijie Zhang par Wan Guchan (avec également Hu Jinqing et Duan Shijun) était déjà conçu avec du papier découpé animé à plat ; cette technique s'inspire du jianzhi, l'art décoratif du papier découpé chinois et Wan Guchan en fera déjà une première expérience une année auparavant, en 1958, sur le court-métrage qu'il réalise avec son jumeau Wan Laiming et Hu Jinqing et intitulé Zhu Bajie mange la pastèque ou Bajie le cochon s'empiffre / Pigsy Eats Watermelon / Zhu Bajie Chi Xigua, film mettant en scène le célèbre personnage Sûn Wùkông, le Roi Singe et ses compagnons de voyage. On soulignera qu'après ces premières manifestations de papiers découpés, Wan Guchan parvient avec L'Esprit de Ginseng à atteindre une parfaite maitrise de cet art dans tous ses aspects, des couleurs aux formes, en passant par la lumière et divers effets que l'on peut qualifier de spéciaux, ainsi que l'animation avec notamment une scène finale où la violence et les mouvements sont déployés avec un rythme effréné. On peut même l'écrire, ce film offre à voir une certaine magnificence artistique qui se déploie notamment au travers de ses décors à la fois simples et subtiles, le tout étant composé en une scénographie où la poésie s'anime.
Pour en revenir à l'enfant pêcheur, on remarque dans cette histoire un élément commun à celle de L'Esprit de Ginseng. En effet, on y découvre un pauvre et vieux pêcheur qui va trouver lors d'une sortie en mer, en pleine nuit, un bol à poisson où figure sur la porcelaine une peinture représentant un jeune pêcheur. Ce dernier prendra vie comme l'esprit de la plante et sauvera le vieil homme d'un horrible personnage en la personne d'un prêtre venu d'Occident. Ainsi, quand le vieux pêcheur s'endort, l'esprit du bol à poisson s'éveille et pêche des perles à l'intérieur du bol, perles qu'il laisse ensuite au vieil homme. Celui-ci les emmène alors au marché afin de les vendre mais le prêtre veut s'emparer de ces perles et du bol à poisson, comme le marchant voulait attraper l'esprit de Ginseng et comme lui, même s'il avait l'appui du gouvernement local, il ne parviendra pas à ses fins. Ce conte soulignait également la présence des envahisseurs occidentaux qui, après la guerre de l'opium, interdisaient aux pêcheurs d'aller en mer et de fait il était une critique de l'impérialisme et du colonialisme qu'avait subi la Chine de l'empire Qing. A cet égard, Shijie Zhang évoquera dans d'autres textes la révolte des boxers.
L'Esprit de Ginseng a remporté en 1961 le prix d'honneur au quatrième Festival international du documentaire et du film d'animation de Leipzig en Allemagne, puis en 1963 il remporte la deuxième place de la deuxième édition des Prix des cent fleurs (Hundred Flowers Award / Dazhong Diànying Baihuâ Jiang) institués par l'Association chinoise du cinéma et parrainés par le magazine chinois Popular Cinema, et enfin en 1979 il remporte le prix du meilleur film pour enfants au premier Festival international du film d'Alexandrie en Égypte.
En France, il fut sélectionné au Festival international du film d'animation d'Annecy en 1963, et il fut diffusé à la télévision sur la 2ème chaîne de l'ORTF (émettant en couleurs depuis deux années déjà), le dimanche 15 juin 1969 vers 20h00 (alors que la Révolution culturelle sévit en Chine depuis 3 ans). Cette deuxième chaîne, en cette première décennie de son existence, proposait à ses téléspectateurs de découvrir à l'occasion des oeuvres venues d'Extrême-orient tels des courts-métrages d'animation comme celui-ci ou des reportages mais aussi en soirée des longs-métrages chinois ou japonais, et proposa même en 1967-68 trois soirées totalement consacrées à divers programmes de la télévision japonaise.
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