Dante, Seigneur des démons

Le jeune Ryô Utsugi est depuis quelques temps hanté par les mêmes cauchemars où apparait la figure monstrueuse d'un gigantesque démon.
Alors qu'il ne comprend pas pourquoi ces visions le pourchassent, de sinistres évènements commencent à se produire autour de lui et il va devoir protéger sa sœur, la jolie Saori, d'une bande maléfique, les Satanistes. Ces derniers veulent la kidnapper pour l'offrir en sacrifice au cours du rituel qui leur permettra de ramener à la vie le tout puissant Dante, le seigneur de tous les démons... Mais qui est Dante ?
Autour de lui, de nombreuses personnes, comme le Professeur Bel, grand prête du culte démoniaque ou l'énigmatique Saeko, affirment à Ryô qu'il a plus de liens qu'il ne le pense avec la divinité satanique, mais il refuse d'y croire...

Tandis que le destin de Ryô se révèle à lui de la plus macabre des façons, notre jeune héros va être transporté au sein d'une bataille millénaire qui oppose les démons, revenus à la vie, aux Enfants de Dieu, une organisation bénéfique qui entend accomplir la parole du Tout puissant et éradiquer les démons de la Terre, par tous les moyens... A la tête de ce groupe se trouve le propre père de Ryô, qui semble cacher certains secrets. Mais Dieu est-il au fond bien ce que les hommes prétendent croire ?

Maô Dante puise ses origines dans un des premiers Mangas de Go Nagai, datant de 1971. Cette BD, inachevée, raconte la vision très originale qu'a l'auteur sur l'affrontement entre Dieu et les démons, l'Apocalypse... A l'époque, Tôei Animation est intéressée par l'histoire et les personnages, et demande à Go Nagai d'adapter son scénario mais avec un héros central plus humanoïde, Dante étant une gigantesque créature aux allures vaguement humaines.
L'histoire voudrait alors que le Mangaka ait abandonné Maô Dante et se soit servi de ce manga "ébauche" pour donner naissance au fameux Devilman, son chef d’œuvre, l'année suivante.
A ce titre, Devilman reprend les thématiques développées dans Dante et les mènera à leur paroxysme. On notera que si le manga de Devilman sera un summum dans l'horreur, la métaphysique et le pessimisme, le dessin animé qui en découlera, et qui était commandé par Tôei, sera beaucoup plus léger et s'éloignera grandement de son homologue de papier.

Maô Dante ne finit pourtant pas sa carrière pour autant. Il fait l'objet d'un retour dans les années 90, de la main d'un autre Mangaka, Akira Fuuga, avant que Go Nagai ne s'y ré-intéresse et lui offre un remake en 2002. Dans ce nouveau manga, il reprend son histoire laissée en suspend et y offre une conclusion. C'est ce remake qui servira de base au dessin animé chroniqué dans cette fiche.

Nagai a toujours été fasciné par les démons. Ils occupent une part essentielle de son œuvre et certaines figures démoniaques apparaissent sous différentes formes dans nombre de ses titres. C'est le cas ici de Satan ou de Zenon, démons centraux de Devilman, et qui tiennent une place de choix dans le récit de Dante. Toutefois, si la narration du manga de Devilman fascine et offre une histoire complexe et pleine de réflexion, celle de Maô Dante est plus délicate.
Les démons sont présentés ici peu à peu comme des êtres victimes de Dieu, et les Satanistes apparaissent comme les vrais héros de la série, là où dans Devilman, Nagai faisait plutôt de l'homme le véritable ennemi de l'humanité de par ses actions, sa paranoïa et sa haine, sans faire des démons des créatures défendables pour autant. A l'inverse, dans Dante, Dieu apparait comme un être manipulateur, et comme le véritable ennemi... Un point de vue intéressant, mais qui peut largement choquer l'auditoire, surtout s'il est croyant. Go Nagai brouille les cartes et induit le spectateur sur de fausses pistes, dénonçant toutefois le fanatisme des hommes au travers des "enfants de Dieu", qui n'hésitent pas à tuer au nom du Tout Puissant... Un triste déroulement qui trouve un écho saisissant et horrifiant quand on constate combien dans notre époque, de nombreux fanatiques se livrent à la barbarie au nom d'une religion.

Les références bibliques sont légion (Adam et Eve, Sodome et Gomorrhe...) et certains détails interpellent comme la volonté de créer des clones modifiés génétiquement de démons, manifeste de la volonté secrète de l'homme de s'élever au rang de Dieu... Une thématique qui est à la base du complexe scénario de la série Evangelion qui avait triomphé quelques années plus tôt !
Plus anecdotique, mais clin d'oeil pour les fans, l'une des scènes de conclusion, où Dante se fait arracher le bras par son adversaire placé au dessus de lui, sur les épaules, rappellera clairement celle où Devilman arrache l'aile-oreille de Sirène lors de leur joute finale...

La série arrive discrètement chez l'éditeur Kaze en 2004. Outre son scénario torturé et prêtant à controverse, c'est surtout sa qualité technique qui est montrée du doigt, l'animation étant jugée assez limitée pour une série de cette époque. Il reste que cette œuvre est une pièce historique du parcours de Go Nagai, qui mérite un coup d’œil vierge d'idées reçues, dans laquelle on pourra trouver des questionnements existentiels sur la notion de Dieu, de démon et d'humanité...