Fiche technique
Année de production | 1953-57 |
Production | RTF |
Nombre d'épisodes | 146 numéros de 10 à 50 minutes |
Idée originale | Jean-Loup Berger, Alain Recoing |
Création des personnages | Alain Recoing |
Réalisation | Jean-Christophe Averty, Jean-Loup Berger, Denise Billon, Marcel Bluwal, Jacques-Gérard Cornu, Ivan Deputier, Georges Folgoas, Guy Potignat, Holt Willy |
Production | Jeanne Faure-Cousin |
Scénarii | Alain Recoing |
Manipulation | Maurice Garrel, Alain Recoing |
Diffusions
RTF | du 8 octobre 1953 au 18 avril 1957 |
Présentation
Martin Martine (ou Martin et Martine sur certains cartons de présentation à l'illustration souvent renouvelée) fut l'une des premières émissions pour la jeunesse de la télévision française (précédée par Les Beaux jeudis, Le Club du jeudi, et Les Aventures de Télévisius titrée également Les Découvertes de Télévisius) : quelque 146 numéros d'une durée allant de 10 à 50 minutes furent diffusés à 17h00, le jeudi, alors jour de repos des écoliers, ce du 8 octobre 1953 (trois mois après la naissance d'une certaine Dorothée) au 18 avril 1957 (époque éclairée le lundi, en soirée, par les 36 chandelles de Jean Nohain). La diffusion de Martin Martine débuta alors qu'il y avait environ 60 000 postes de télévision en fonction en France et elle prit fin quand le nombre de ces petites lucarnes accueillies dans les foyers de l'Hexagone tournait autour de 680 000 appareils (d'octobre 1953 à septembre 1954 la diffusion de Martin Martine fut hebdomadaire pour ensuite être proposée un jeudi sur deux jusqu'en juin 1955 suivie d'une interruption durant l'été, l'émission reprenant en septembre 1955 à nouveau en hebdomadaire jusqu'en juillet 1956 et ne reprenant qu'en octobre, tous les jeudis, jusqu'en avril 1957, le programme quittant alors le petit écran).
Destinée à un public âgé de 4 à 11 ans environ, Martin Martine était présentée et animée par lesdites marionnettes à gaine Martin et Martine, un jeune garçon et une jeune fille dont les visages en ce duo pouvaient rappeler ceux de Georges Poujouly et Brigitte Fossey apparus un an plus tôt au cinéma dans Jeux interdits de René Clément ; en fait les visages des pantins auraient été inspirés par Jean Rieubon (alias Donald Rieubon, enfant acteur dans les années 50 qui fera partie de l'équipe des Charlots en 1965-66 en tant que musicien à la batterie, carrière qu'il poursuivra en diverses formations expérimentales et progressives ou auprès d'artistes tels Nino Ferrer ou Jacques Dutronc) et Agnès Folgoas (fille du réalisateur Georges Folgoas qui œuvrait à la conception de ce programme, l'un des grands noms de la télévision française au même titre que Jean-Christophe Averty, qui participa lui aussi à la réalisation de Martin Martine, ou de personnalités telles les Claude Barma, Stellio Lorenzi et autres Claude Santelli).
Ces deux enfants, Jean et Agnès, étaient alors chacun âgés de quatre ou cinq années en 1953 et si Martin et Martine étaient des personnages imaginaires censés représenter justement des enfants, certaines situations pouvaient les rendre un peu plus âgés, le réalisme s'effaçant alors face à l'imagination. Soulignons encore que Martin et Martine prirent réellement la forme de deux véritables enfants dans le 2ème numéro de cette émission lorsqu'ils furent mis en scène dans un petit reportage déambulant dans le Jardin d'acclimatation, à Paris, et peut-être s'agissait-il de Jean et d'Agnès...
A noter également que ce duo Martin et Martine était un trio puisque les deux jeunes personnages étaient très souvent accompagnés de Tabac, un chien ainsi prénommé (un prénom comme celui-ci ne passerait plus dans un tel programme pour la jeunesse...). Entre d'autres marionnettes, un petit chat appartenant à Martine faisait aussi quelques apparitions.
Concernant les voix des personnages, Jacques Borel alias Jacques Brunius (1906-1967) et Solange Certain (1928-2014) se prêtèrent à cet exercice artistique de modifier un peu leurs cordes vocales d'adultes pour les rendre un peu plus jeunes (ils commentèrent évidemment la petite promenade du Jardin d'acclimatation). Quant aux manipulateurs donnant pleinement vie à ces deux corps, il s'agissait des marionnettistes Alain Recoing (1924-2013, dévoué tout au long de sa vie à cet art) et son ami Maurice Garrel (1923-2011, qui débutait alors au théâtre, préférant un temps animer les pantins plutôt que de s'exposer sur scène, et faisant par la suite une grande carrière de comédien au cinéma et à la télévision). Avec ce dernier (et Claude-André Messin), Alain Recoing avait précédemment créé la Compagnie des Trois en 1950 et il fonda ensuite en 1957 sa propre compagnie – Théâtre Martin-Martine ou Compagnie des Marionnettes – avec laquelle il proposera ses plus grandes créations au fil... des décennies suivantes, créant encore en 1976 le Théâtre aux Mains Nues.
Le théâtre de marionnettes d'Alain Recoing doit beaucoup au metteur en scène et décorateur de théâtre Gaston Baty (1885-1952), celui-ci ayant signé de nombreux écrits pour et sur le théâtre de marionnettes et créé le Théâtre des marionnettes à la française, et pour cause Alain Recoing fut son élève en 1948 avant qu'il ne s'envole de ses propres fils. Dans une certaine mesure, les travaux de l'anglais Edward Gordon Craig (1872-1966) et ses concepts sur la surmarionnette (théorisation de l’acteur faisant de la marionnette une présence plus parfaite que l’humain sur une scène) adoptés au Japon par des artistes comme Kaoru Osanai (1881-1928), créateur du Petit Théâtre Tsukiji / Tsukiji Shô-Gekijô (1924-1945) et également partagés par Maurice Maeterlinck, ont été également d'une certaine influence transmise par Gaston Baty sur la perception et le développement de son œuvre (et de même sur l'acteur Maurice Garrel qui avait introduit Alain Recoing chez Baty), et ce tout comme les créations d'un Yves Joly (1908-2013) s'interrogeant sans cesse sur la nature de la marionnette (voir Le Tour du monde des marionnettes).
L'émission Martin Martine se composait de sketches où les deux personnages, souvent suivis de leur fidèle compagnon canin, partageaient de petites aventures avec les jeunes téléspectateurs (en de nombreux rendez-vous, c'était l'occasion de broder une histoire où Martin et Martine étaient souvent les principaux protagonistes et où de petites références historiques ou littéraires y étaient glissées) ; la quatrième émission, du moins est-ce en celle-ci qu'elle était prévue, proposa ainsi une histoire avec Buratino, une variation du Pinocchio de Collodi par l'écrivain russe Alexis Tolstoï dont justement Alain Recoing adaptera sur scène le texte de ladite œuvre La Petite clé d'or en 1958 au Théâtre du Vieux-Colombier, et dont ce fut sa première grande création (œuvre notamment adaptée en film d'animation par le studio soviétique Soyuzmultfilm). Une autre aventure de Martin et Martine fera référence aux personnages jacquemarts éponymes et de légende de la ville de Cambrai, automates installés de chaque côté du campanile de l'hôtel de ville.
Les diverses manifestations des marionnettes étaient accompagnées entre autres de reportages sous l'intitulé « En observant... » dont un certain nombre se proposa de faire découvrir la capitale française au travers de ses monuments les plus célèbres et autres lieux pouvant susciter l'intérêt chez les plus jeunes. Paris se découvrait également au travers de sa population et de ceux faisant vivre l'agglomération comme lorsque Martin et Martine proposèrent de visiter les Halles près de l'église Saint-Eustache, présentant en ce grand marché légumes, viandes et poissons nourrissant les parisiens (dans le Martin Martine n°32 du 13 mai 1954). Ces « En observant... », parfois accompagnés de dessins amusants et explicatifs, étaient commentés par Roland Ménard (1923-2016) dont la magnifique voix parmi les plus belles dans l'univers du doublage français – marquant particulièrement celui-ci sur l'acteur Glenn Ford – fut très souvent utilisée à la narration de longs-métrages de fiction ou de documentaires, donnant de par sa diction parfaite et une certaine distinction vocale comme une reliure sonore faite d'un liseret d'or. Pour autres exemples, Roland Ménard illustra également de sa voix le « En observant... » consacré à la captation de l'eau potable pour la capitale dans la 4ème émission, reportage suivi de suite de la séquence « Contes et légendes » évoquant Hercule avec de nouveau Roland Ménard à la narration, celui-ci poursuivant encore en cette même heure sur un documentaire illustré contant l'histoire du Pont-Neuf de Paris.
Parmi de nombreux autres documentaires diffusés, on peut citer encore dans les premières semaines celui sur la fabrication des poupées (5 novembre 1953) ainsi que celui sur la visite de l'aquarium du musée de la Porte Dorée (3 décembre 1953). Il était également proposé des petites expériences à caractère scientifique et les jeunes téléspectateurs étaient même invités à écrire à Martin et Martine au 15 de la rue Cognac-Jay s'ils désiraient avoir une réponse à d'éventuelles questions qu'ils se posaient.
Outre Paris, bien d'autres lieux de France seront visités comme Courchevel sous un manteau de neige avec Martin et Martine en tenue de ski lors de la toute dernière émission du programme le 18 avril 1957, et ce toujours accompagné de Tabac, le chien, lui, préférant s'adonner en cette conclusion aux joies de la luge.
Des diverses autres rubriques agrémentant l'émission comme celles des actualités, des documentaires animaliers, des récits historiques ou mythologiques (illustrés et légèrement animés en papier découpé comme le récit sur Dédale et son fils Icare dans la 2ème émission), ou encore celles sur les jeux, les jouets et les mimes, mais aussi des séquences avec présentation de livres (tel un album jeunesse de Pouf de Pierre Probst également dans la 2ème émission ou pour les plus grands lecteurs La Croisière du ''Snark'' de Jack London chez Hachette dans la collection « Idéale Bibliothèque » dans la 4ème émission) et où l'on retrouvait à l'occasion la voix de Roland Ménard, figurait également, parfois, une séquence musicale. A cet égard, il est attesté, même si l'intéressé n'en a pas conservé le souvenir – du moins lorsqu'il fut interrogé à ce sujet par Yves Mourousi lors d'une interview le 18 octobre 1979 –, que Johnny Hallyday, encore jeune enfant, y est fait sa toute première apparition à l'écran en 1954. Le journaliste/documentaliste Yann Grasland qui a redécouvert cette information, ce en visionnant cette interview, a également pris connaissance d'un entretien (peut-être dans l'émission Choses vues du 1er janvier 1969) où Jean-Christophe Averty, réalisateur sur Martin Martine, évoque le souvenir du passage en cette émission du jeune Jean-Philippe Smet – accompagné par Jean-Jacques Debout – interprétant Dans les plaines du far-west (d'Yves Montand) en tenue de cow-boy (celle qu'il portait alors pour de courtes apparitions scéniques en cabarets). Cette présence est aussi soulignée par le journaliste Frédéric Quinonero dans son livre Johnny, la vie en rock où il évoque également celle du réalisateur Marcel Bluwal et du jeune comédien Yves-Marie Maurin pour cette émission. Il y souligne que le jeune chanteur y croise Yves-Marie Maurin, son jeune partenaire du film Les Diaboliques de Henri-Georges Clouzot. Il est toutefois peut probable que les deux jeunes enfants étaient présents en même temps au même endroit puisque Yves-Marie Maurin participait surtout pour cette émission, cela reste à confirmer toutefois, à des petites scènes tournées à l'extérieur pour de courtes fictions (à noter qu'Yves-Marie Maurin a quelque peu participer alors aux Découvertes de Télévisius et participé à un hommage rendu à Gaston Baty, personnalité évoquée plus haut).
Comme la plupart des télévisions du monde entier ayant produit des programmes pour la jeunesse aux premiers temps des petites lucarnes; telles celles états-unienne à partir de 1946 et japonaise à partir de 1953, la télévision française utilisera elle-aussi beaucoup l'univers de la marionnette pour divertir les enfants. Cette forme artistique répondait parfaitement – particulièrement en terme de temps quant à la conception – au besoin d'une production de programmes pour la jeunesse alors naissante.
Soulignons tout de même encore, dans le cadre d'une certaine volonté quant à expérimenter un peu du domaine de l'animation ou s'y rapprochant, l'utilisation de dessins avec quelques personnages dont la silhouette est découpée et les membres animées en prise de vue réelle et donc se déplaçant comme une marionnette de papier, ce surtout dans le cadre des récits sur la mythologie, mais aussi à l'occasion sur d'autres rubriques comme celle « Coup d’œil sur le présent » présentant en une de ses séquences des livres lors du Salon de l'Enfance, et où les personnages des aventures de Zig et Puce s'animèrent ainsi quelques secondes (l'usage de l'image par image n'est pas à exclure sur quelques scènes). On sent de fait le désir de cette équipe se dévouant à la jeunesse d'utiliser un grand nombre de formes picturales, du moins selon les moyens mis à disposition (avant que ne soit créée à la fin des années 50 une section animation au sein de la RTF) pour évoquer la large palette de sujets et rubriques exposés en cette 17ème heure de cette journée du jeudi.
L'émission qui remplacera Martin Martine, à savoir la programmation L'Antenne est à nous (1957-1965), à cheval sur les deux décennies 50/60, préfigurera encore un peu plus les émissions à venir, proposant sur deux heures environ (de 16h30 à 19h00) des séries ou feuilletons comme Rin-Tin-Tin en 1963, Guillaume Tell avec Conrad Phillips en 1962, Ivanhoé avec Roger Moore, Poly en 1961 ou encore Denis la petite peste en 1963, mais aussi des courts-métrages et séries d'animation comme Joe chez les abeilles en 1961 ou de marionnettes telles Hans l'ingénu ou Bip et Véronique (parmi nombre de séquences diffusées dans cette émission : « Le petit train de la gaieté » de Jean Nohain, « Livre mon ami » de Claude Santelli, « Nos amis les bêtes »...). A noter encore et pour conclure que contrairement à ce que l'on peut lire en quelques sources, Martin et Martine n'ont pas présenté L'Antenne est à nous, du moins à notre connaissance.
Doublage
Voix françaises :
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